Litiges entre organes constitutionnels

La Cour constitutionnelle fédérale peut être saisie en cas de différends entre les organes constitutionnels suprêmes de la Fédération ou des parties assimilées à ces organes et portant sur leurs droits et obligations tels qu’ils découlent de la Loi fondamentale. L’existence d’une telle procédure est nécessaire du fait que ces organes n’ont entre eux aucun pouvoir de se donner des instructions. En assurant la possibilité aux organes constitutionnels de déclencher un contrôle juridictionnel de leurs actions respectives, la procédure de règlement des litiges entre organes constitutionnels protège ainsi la formation de la volonté politique dans le respect de la séparation des pouvoirs.

La procédure est régie par l’article 94 al. 1er no 1 de la Loi fondamentale, ainsi que par les §§ 63 et suivants de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale, et porte comme référence l’abréviation « BvE ». Bien qu’elle ne fasse pas partie des procédures les plus courantes devant la Cour constitutionnelle fédérale, elle soulève souvent des questions fondamentales d’une grande importance pour le régime politique.

Exemples

Par le passé, des litiges importants entre organes constitutionnels ont porté sur le statut juridique des groupes parlementaires et des membres du Parlement, le financement des partis politiques, les seuils électoraux, la répartition des sièges au Parlement, la constitutionnalité de la dissolution du Bundestag allemand, la participation du Bundestag au développements des accords internationaux, la décision d’engager l’armée allemande dans le cadre d’une mission à l’étranger, ou encore sur les droits d’information du Bundestag dans les affaires de l’Union européenne.

Conditions

La procédure de règlement des litiges entre organes constitutionnels est une procédure contradictoire opposant le requêrant et la partie adverse. Outre les organes énumérés explicitement au § 63 de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale – le Président fédéral, le Bundestag, le Bundesrat et le gouvernement fédéral – peuvent également introduire une requête l’Assemblée fédérale, le chancelier fédéral, les ministres fédéraux, ainsi que les députés individuels du Bundestag. Lorsqu’ils concourent à la formation de la volonté politique, les partis politiques exercent eux aussi une fonction d’organe constitutionnel et peuvent à ce titre défendre lors de cette procédure les droits qu’ils tiennent en vertu de l’article 21 de la Loi fondamentale.

Une importance particulière revient aux groupes parlementaires au Bundestag allemand, car ils peuvent faire valoir non seulement leurs propres droits dans un litige intra-parlementaire, mais également les droits du Bundestag – même contre la volonté d’une majorité parlementaire. Dès lors, l’opposition ou une minorité parlementaires peuvent agir devant la Cour constitutionnelle fédérale pour exiger le respect des compétences du Parlement.

Les autres organes ou personnes ayant le droit d’introduire une requête peuvent se joindre à la procédure et déposer des requêtes, lorsque la décision de la Cour constitutionnelle fédérale est également pertinente pour la délimitation de leurs propres compétences.

L’objet de la procédure peut être une mesure ou une omission de la partie adverse. Souvent, les questions soulevées portent sur le régime juridique des partis politiques, la loi électorale ou encore le droit parlementaire.

Le réquérant doit invoquer une violation ou une menace de ses propres droits ou obligations constitutionnels ou des droits et obligations de l’organe dont il fait partie – des droits qu’il tient spécifiquement à l’encontre de la partie adverse. La question de savoir si la partie adverse a respecté d’autres dispositions constitutionnelles n’est pas examinée dans le cadre d’un litige entre organes constitutionnels, car cette procédure n’a pas pour objectif d’assurer le respect en général de la Constitution, mais de protéger les droits des organes constitutionnels dans leurs relations mutuelles.

La requête doit être introduite dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle le requérant a pris connaissance de la mesure ou de l’omission critiquées de la partie adverse. Il n’est pas possible de remédier à un non-respect du délai. Pour des raisons de sécurité juridique, une réouverture du délai est exclue.

Décision

La Cour constitutionnelle fédérale rejette la requête comme non fondée, lorsqu’il n’y a pas de violation du droit constitutionnel. En cas de succès de la requête, la Cour constitutionnelle fédérale constate que la mesure ou l’omission critiquées de la partie adverse est contraire à une disposition de la Loi fondamentale. Elle ne prononce ni l’abrogation ni l’annulation de la mesure critiquée, ni n’impose-t-elle une obligation d’agir à la partie adverse. Les organes constitutionnels sont toutefois tenus de respecter et, le cas échéant, de mettre en œuvre la décision de la Cour constitutionnelle fédérale constatant un droit du requérant (cf. l’article 20 al. 3 de la Loi fondamentale).