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Considérations principales
de l’arrêt du second sénat du 29 avril 2021
2 BvR 1651/15
2BvR 2006/15
- Les limites pour une ordonnance d’exécution licite prise sur le fondement du § 35 de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgerichtsgesetz – BVerfGG ) résultent du principe de la séparation des pouvoirs (article 20, alinéa 2, 2nde phrase de la Loi fondamentale) et du lien nécessaire entre le droit processuel constitutionnel et l’objet du litige à trancher et constituent dans cette mesure des exigences susceptibles d’être généralisées et s’appliquant dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité de toutes les formes d’action de tous les organes constitutionnels.
- Des mesures prises après que la décision sur le fond a été rendue ne peuvent pas faire l’objet d’une ordonnance d’exécution en vertu du § 35 BVerfGG. Sinon, une telle ordonnance aurait pour effet de modifier et d’étendre la décision sur le fond, car elle exigerait que soit procédé à une analyse et à une appréciation, à l’aune du droit constitutionnel, de la nouvelle situation juridique.
COUR CONSTITUTIONNELLE FÉDÉRALE
- 2 BvR 1651/15 -
- 2 BvR 2006/15 -
AU NOM DU PEUPLE
Dans les procédures relatives
aux demandes d’ordonnance d’exécution
introduites par
I. |
1. M. Prof. Dr. L., | |
2. |
M. Prof. Dr. h.c. H., | |
3. |
M. Prof. Dr. S., | |
4. |
M. K., | |
5. |
Mme T., | |
ainsi que par 1 729 autres requérants, |
- Mandataires :
- 1. …
- 2. … -
et |
ayant pour objet de faire constater que |
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« le gouvernement fédéral et le Bundestag sont tenus, dans le cadre de la mise en œuvre du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale du 5 mai 2020, d’exposer aux requérants qu’il a été remédié à la violation de leurs droits constatée dans le jugement précité et, à cet égard, de permettre aux requérants de consulter les documents confidentiels transmis par la Banque centrale européenne et établissant, selon le gouvernement et le Bundestag, entre autres que la Banque centrale européenne a démontré de manière suffisamment claire qu’elle avait procédé à un examen du programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (Public Sector Asset Purchase Programme – PSPP) à l’aune du principe de proportionnalité et satisfaisant aux exigences formulées dans le jugement précité |
- 2 BvR 1651/15 -,
II. |
M. Dr. G., |
- Mandataire :
- … -
et |
ayant pour objet de faire constater que |
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1. |
« le Bundestag et le gouvernement continuent d’être liés par le devoir soit d’agir pour que la Banque centrale européenne (BCE), par le conseil des gouverneurs, procède, conformément aux exigences formulées dans le jugement du 5 mai 2020 – 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15, 2 BvR 980/16 –, à un examen suffisamment motivé et clair du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité et qu’il communique publiquement la décision prise suite à cet examen, soit de veiller d’une autre manière à ce que soit rétabli un état des faits conforme aux traités, |
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2. |
le gouvernement fédéral doit agir sur la Bundesbank pour que cette dernière se conforme à son devoir découlant du jugement du 5 mai 2020 précité de s’abstenir de continuer à participer à l’exécution du PSPP, |
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3. |
il est interdit à la Bundesbank de participer, en procédant à des achats augmentant les stocks d’obligations détenues ou encore en participant à une nouvelle augmentation du volume des achats mensuels, à la mise en œuvre et à l’exécution de la décision (UE) 2015/774, modifiée par les décisions (UE) 2015/2101, (UE) 2015/2464, (UE) 2016/702 et (UE) 2017/100, ainsi que de la décision du 12 septembre 2019. En outre, la Bundesbank est tenue de veiller à ce que soit procédé à une réduction des stocks d’obligations harmonisée au sein du Système européen de banques centrales (SEBC) et située sur le long terme » |
- 2 BvR 2006/15 -
la Cour constitutionnelle fédérale - second sénat -
où siégeaient les juges
Vice-présidente König,
Huber,
Hermanns,
Müller,
Maidowski,
Langenfeld,
Härtel
a décidé le 29 avril 2021 :
- Les requêtes demandant à la Cour de rendre une ordonnance d’exécution sont écartées.
Motifs :
A.
Avec leurs requêtes, les requérants demandent à la Cour de rendre une ordonnance d’exécution (§ 35 de la loi relative à la Cour constitutionnelle fédérale – BVerfGG).
I.
Dans son jugement du 5 mai 2020 (Recueil des décisions de la Cour constitutionnelle fédérale BVerfGE 154, 17) le sénat a constaté au point no 3 du dispositif que le gouvernement fédéral et – en ce qui concerne les requérants sous I. – le Bundestag allemand ont violé les droits que les requérants sous I. et le requérant sous II. tiennent en vertu de l’article 38, alinéa 1, 1re phrase de la Loi fondamentale (LF), combiné à l’article 20, alinéas 1 et 2 LF, et à l’article 79, alinéa 3 LF. Le jugement dispose (Recueil BVerfGE 154, 17 <22 sq.>) :
Le gouvernement fédéral et – en ce qui concerne les requérants sous I. et II. – le Bundestag allemand ont violé les droits que les requérants sous I., II. et III. tiennent en vertu de l’article 38, alinéa 1, 1re phrase LF, combiné à l’article 20, alinéas 1 et 2 LF, et à l’article 79, alinéa 3 LF, dans la mesure où ils ont omis de prendre des mesures adaptées contre l’omission de Banque centrale européenne, qui
a) dans la décision (UE) 2015/774 de la Banque centrale européenne du 4 mars 2015 concernant un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (Public Sector Asset Purchase Programme , BCE/2015/10, JO L 121 du 14 mai 2015, p. 20),
b) modifiée par la décision (UE) 2015/2101 de la Banque centrale européenne du 5 novembre 2015 modifiant la décision (UE) 2015/774 concernant un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (BCE/2015/33, JO L 303 du 20 novembre 2015, p. 106), la décision (UE) 2015/2464 de la Banque centrale européenne du 16 décembre 2015 modifiant la décision (UE) 2015/774 concernant un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (BCE/2015/48, JO L 344 du 30 décembre 2015, p. 1), la décision (UE) 2016/702 de la Banque centrale européenne du 18 avril 2016 modifiant la décision (UE) 2015/774 concernant un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (BCE/2016/8, JO L 121 du 11 mai 2016, p. 24), ainsi que par la décision (UE) 2017/100 de la Banque centrale européenne du 11 janvier 2017 modifiant la décision (UE) 2015/774 concernant un programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (BCE/2017/1, JO L 16 du 20 janvier 2017, p. 51)
n’a ni vérifié ni démontré la conformité des mesures adoptées au principe de proportionnalité.
Le jugement impose au gouvernement fédéral et au Bundestag de s’opposer au PSPP dans la mesure où la BCE n’avait pas démontré la conformité de ce programme au principe de proportionnalité et que le PSPP constituait alors un acte pris ultra vires . Ces deux organes constitutionnels sont dès lors tenus d’agir pour que la BCE procède à un examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité ; à cet égard, ils doivent manifester clairement leur position juridique à l’encontre de la BCE ou veiller d’une autre manière à ce que soit rétabli un état des faits conforme aux traités. Le jugement étend ce devoir également à la phase des réinvestissements dans le cadre du PSPP entamée le 1er janvier 2019, ainsi qu’à la reprise du PSPP à partir du 1er novembre 2019 ; à cet égard, le jugement relève que subsiste l’obligation des organes constitutionnels de surveiller les décisions de l’Eurosystème portant sur les achats d’obligations souveraines dans le cadre du PSPP et d’agir avec tout moyen à leur disposition pour que le Système européen de banques centrales (SEBC) respecte les limites du mandat qui lui a été attribué (cf. Recueil BVerfGE 154, 17 <150 sq., points 229, 232 sq.>).
En ce qui concerne la Bundesbank, le sénat a jugé que, passé un délai d’au plus trois mois nécessaire pour la coordination au sein du SEBC, il lui était interdit de concourir, en procédant à des achats augmentant les stocks d’obligations détenues ou encore en participant à une nouvelle augmentation du volume des achats mensuels, à la mise en œuvre et à l’exécution de la décision (UE) 2015/774, des décisions (UE) 2015/2101, (UE) 2105/2464, (UE) 2016/702 et (UE) 2017/100 qui l’ont modifiée, ainsi que de la décision du 12 septembre 2019, si le conseil des gouverneurs de la BCE ne procédait pas, au moyen d’une nouvelle décision, à une démonstration claire établissant que les effets économiques et budgétaires entraînés par le PSPP ne sont pas disproportionnés par rapport aux objectifs de politique monétaire poursuivis par ce dernier. Sous la même condition, la Bundesbank est tenue de veiller à ce que soit procédé à une réduction des stocks d’obligations harmonisée au sein du SEBC et située sur le long terme (cf. Recueil BVerfGE 154, 17 <151 sq., point 235>).
II.
Les 3 et 4 juin 2020 s’est tenue une réunion du conseil des gouverneurs de la BCE relative à la politique monétaire, dans le cadre de laquelle, suite à la discussion portant sur divers aspects de la politique monétaire (cf. le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil de la BCE des 3 et 4 juin 2020, p. 17-20 [les numéros des pages indiquées sont ceux de la traduction allemande réalisée par la Bundesbank ]), six décisions ont été prises. Pour la présente affaire, sont pertinentes les décisions nos 4 et 5, lesquelles prévoient ce qui suit (cf. le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil de la BCE des 3 et 4 juin 2020, p. 22) :
(4) Les achats nets en vertu du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme , APP) vont continuer à un rythme mensuel de 20 milliards d’euros, ainsi que les achats au titre de l’enveloppe supplémentaire temporaire à hauteur de 120 milliards, jusqu’à la fin de l’année. Le Conseil des gouverneurs continue de prévoir d’avoir recours aux achats mensuels nets d’actifs au titre de l’APP aussi longtemps que nécessaire pour renforcer les effets accommodants de ses taux directeurs, et d’y mettre fin peu de temps avant de commencer à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE.
(5) Les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance achetés dans le cadre de l’APP se poursuivront pendant une période prolongée après la date à laquelle le Conseil des gouverneurs commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et à un degré élevé de soutien monétaire.
III.
1. Le 26 juin 2020, divers documents de la BCE ont été transmis par la Bundesbank au ministère fédéral des Finances. À son tour, le ministre fédéral des Finances a transmis ces documents par courrier daté du 26 juin 2020 au président du Bundestag. Dans l’en-tête de ce courrier étaient mentionnées huit documents en pièces jointes classés « ECB-confidential », ainsi qu’un aperçu des pièces jointes. Le courrier expose entre autres :
(…)
Étant donné que le conseil des gouverneurs de la BCE a dès le commencement procédé à une évaluation régulière du PSPP lors de ses délibérations relatives à la politique monétaire, il a, par une décision prise le 24 juin 2020, autorisé la divulgation des documents joints à condition que leur caractère confidentiel soit respecté. Le conseil des gouverneurs a en outre décidé que le gouvernement fédéral était autorisé à communiquer ces documents – pour autant qu’il estime nécessaire une telle mise à disposition – également au Bundestag, si et dans la mesure où le degré de confidentialité déterminé par la BCE est respecté. Le noircissement de certains passages isolés a été effectué par la BCE et ne devrait pas attirer la critique de la Cour constitutionnelle fédérale.
(…)
Selon notre avis, l’examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité qui a été effectué par le conseil des gouverneurs et qui ressort désormais des documents joints démontre de manière suffisamment claire cette mise en balance.
(…)
De notre point de vue, il est par conséquent permis à la Bundesbank de continuer à participer à la mise en œuvre et à l’exécution des décisions relatives au PSPP qui ont fait l’objet des recours constitutionnels.
(…)
2. Le soir du 26 juin 2020, les membres du Bundestag ont été informés qu’à partir du 29 juin 2020, ils pourraient consulter les documents transmis par la BCE dans les locaux du service du Bundestag chargé de la protection du secret. Peu après, cette date a été modifiée et la consultation des documents rendue possible dès le week-end du 27/28 juin 2020. Le 29 juin 2020, la confidentialité de plusieurs documents a été levée.
3. Le 30 juin 2020, les groupes parlementaires CDU/CSU, SPD, FDP et BÜNDNIS 90/DIE GRÜNEN ont déposé une motion intitulée « Jugement de la Cour constitutionnelle fédérale relatif au programme d’achats d’actifs PSPP de la Banque centrale européenne » (document du Bundestag No 19/20621) invitant le Bundestag à adopter ce qui suit :
I. Le Bundestag allemand constate :
1. La République fédérale d’Allemagne reste fortement ancrée dans l’Union européenne. L’intégration européenne est une mission consacrée par notre Loi fondamentale. Elle a assuré la paix en Europe, rendu possible la réunification et contribué à la prospérité et au progrès social.
La monnaie unique constitue l’un des piliers de l’Union européenne. L’Allemagne a un intérêt primordial à ce que la monnaie unique ait un avenir. La Banque centrale européenne est indépendante (article 130 et article 282, paragraphe 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – TFUE). L’objectif principal de la BCE est de maintenir la stabilité des prix. Dans la mesure où cela lui est possible sans porter atteinte à cet objectif, la BCE apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union (article 127 TFUE). L’interprétation et l’application du droit de l’Union, y compris la détermination de la méthode à appliquer dans ces cas, appartiennent en premier lieu à la Cour de justice (européenne) qui, conformément à l’article 19, paragraphe 1, 2nde phrase, TUE, est chargée d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités (Cour constitutionnelle fédérale, jugement du 5 mai 2020 – 2 BvR 859/15 e.a. –, point 112). La BCE a l’obligation de rendre compte au Parlement européen.
2. Dans son jugement du 5 mai 2020 – 2 BvR 859/15 e.a. – le second sénat de la Cour constitutionnelle fédérale a constaté que le gouvernement fédéral et le Bundestag sont tenus d’agir que la BCE démontré qu’elle a procédé à un examen et mise en balance du programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (Public Sector Asset Purchase Programme – PSPP) à l’aune du principe de proportionnalité. Le gouvernement fédéral et le Bundestag doivent manifester clairement leur position juridique à l’encontre de la BCE ou veiller d’une autre manière à ce que soit rétabli un état des faits conforme aux traités.
Passé un délai transitoire d’au plus trois mois, il sera interdit à la Bundesbank de continuer à participer à la mise en œuvre et à l’exécution du PSPP, si le conseil des gouverneurs de la BCE ne procède pas, au moyen d’une nouvelle décision, à une démonstration claire établissant que les effets économiques et budgétaires entraînés par le PSPP ne sont pas disproportionnés par rapport aux objectifs de politique monétaire poursuivis. Sous la même condition, la Bundesbank est tenue de veiller à ce que soit procédé à une réduction des stocks d’obligations achetées dans le cadre du PSPP.
[…]
3. Conformément à l’exercice de sa responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne, le Bundestag se préoccupe sur la base de nombreuse activités, tant à travers son assemblée plénière que ses commissions, de la politique monétaire et en particulier du caractère proportionné des mesures de politique monétaire prises par la BCE. À cet égard, il respecte l’indépendance de la BCE en tant qu’institution.
[…]
II. Le Bundestag allemand prend acte des faits suivants :
1. La Bundesbank a invité le conseil des gouverneurs de la BCE à exposer sa réflexion sur le caractère proportionné du PSPP. Dans le cadre de sa réunion des 3 et 4 juin 2020 relative à la politique monétaire, le conseil des gouverneurs a amplement exposé ses considérations quant à cette proportionnalité et les a ensuite publiées, ensemble avec la décision prise ultérieurement le 25 juin 2020. En outre, le conseil des gouverneurs a décidé lors de sa réunion du 24 juin 2020 d’autoriser la Bundesbank à communiquer au gouvernement fédéral des documents contenant des réflexions supplémentaires sur le PSPP depuis le lancement de ce dernier, à condition que la confidentialité de ces documents soit respectée. De plus, le conseil des gouverneurs a décidé que le gouvernement fédéral pouvait communiquer ces documents – pour autant qu’il estime nécessaire une telle mise à disposition– également au Bundestag, si et dans la mesure où le degré de confidentialité déterminé par la BCE est respecté. Entre-temps, lesdits documents ont été transmis au Bundestag.
Avec les informations publiées après le jugement de la Cour constitutionnelle fédérale et tirées de décisions du conseil des gouverneurs de la BCE, de comptes rendus présentés au Parlement européen, de rapports d’activité mensuels et annuels, ainsi que de déclarations publiques de membres du directoire ou d’autres membres du conseil des gouverneurs de la BCE, le conseil des gouverneurs a documenté qu’il tenait systématiquement compte des considérations de proportionnalité lorsqu’il prend des décisions de politique monétaire. Il est évident qu’un examen à l’aune du principe de proportionnalité et incluant la prise en considération des arguments contraires a été effectué en ce qui concerne le PSPP et que cet examen a inclus une mise en balance approfondie et une pondération des intérêts respectifs en jeu.
Le « compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE » des 3 et 4 juin 2020 établit de manière suffisamment claire que cet examen à l’aune du principe de proportionnalité a bien été effectué. […]
[…]
Le 23 janvier 2020, le conseil des gouverneurs de la BCE a annoncé de lancer une évaluation de sa stratégie de politique monétaire. Il a souligné qu’il allait examiner l’efficacité et les effets secondaires potentiels de la gamme d’instruments de politique monétaire conçus au cours des dix dernières années.
2. Dans son courrier accompagnant la transmission des documents au Bundestag, le ministère fédéral des Finances a indiqué qu’il considérait qu’avec la décision prise par le conseil des gouverneurs de la BCE, ce dernier avait démontré de manière claire qu’il avait examiné la question du caractère proportionné du PSPP. Selon le ministère, la décision du conseil des gouverneurs, ensemble avec les documents mis à disposition, répond entièrement aux exigences formulées dans le jugement de la Cour constitutionnelle fédérale du 5 mai 2020.
III. Le Bundestag allemand conclut :
Sur le fondement de la décision du conseil des gouverneurs de la BCE et des documents transmis, le Bundestag parvient à la conclusion qu’ont été satisfaites les exigences formulées dans le jugement de la Cour constitutionnelle fédérale du 5 mai 2020 – 2 BvR 859/15 e.a. – et selon lesquelles un examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité devait être effectué. À propos de ses décisions relatives au PSPP, la BCE a examiné le caractère adapté, nécessaire et proportionné stricto sensu de ses mesures de politique monétaire. À cet égard, la BCE a identifié et pondéré les effets économiques engendrés par le PSPP, et elle les a mis en relation avec les avantages attendus en ce qui concerne la réalisation de l’objectif de politique monétaire qu’elle avait défini, puis mis en balance selon des critères de proportionnalité.
Le Bundestag considère que l’exposé fourni par la BCE quant à l’examen à l’aune du principe de proportionnalité est clair et satisfait ainsi aux exigences du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale du 5 mai 2020 – 2 BvR 859/15 e.a. En tout cas, le Bundestag assume durablement sa responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne en ce qui concerne les décisions de politique monétaire du conseil des gouverneurs de la BCE.
4. Lors de la 170e séance du Bundestag tenue le 2 juillet 2020, la motion du 30 juin 2020 a été adoptée contre les voix du groupe AfD, et le groupe DIE LINKE s’abstenant, avec les voix de tous les autres groupes parlementaires (cf. Bundestag, compte rendu sténographique No 19/170, p. 21283).
a) Lors de la séance plénière, les députés Frank Schäffler et Christian Sauter (tous les deux du groupe FDP), le député Alexander Müller (FDP) ainsi que le député Hans-Jürgen Thies (CDU/CSU) ont, sur le fondement de l’article 31 du règlement du Bundestag, respectivement exprimé leur position divergente (cf. Bundestag, compte rendu sténographique No 19/170, p. 21356-21358 – annexes nos 7 et 8). Ces députés ont entre autres critiqué que les documents transmis par la BCE étaient en partie tenus secrets, qu’ils étaient rédigés en langue anglaise et qu’ils ne suffisaient pas pour satisfaire aux exigences que la Cour constitutionnelle fédérale avait formulées en matière d’un examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité.
b) Lors de la même séance plénière ont en outre été rejetées la motion du groupe DIE LINKE du 30 juin 2020 intitulée « Résoudre par la voie politique le conflit portant sur la politique monétaire de la Banque centrale européenne – Réviser les traités européens et y ancrer le dialogue monétaire avec la Bundesbank » (document du Bundestag No 19/20552), la motion du groupe FDP du 30 juin 2020 portant le titre « Examen à l’aune de principe de proportionnalité démontré dans les délais – Prendre au sérieux en tant que tâche sur le long terme le contrôle des limites de la politique monétaire » (document du Bundestag No 19/20553), ainsi que la motion du groupe AfD du 26 juin 2020 intitulée « Exercice critique et efficace de la soi-disante responsabilité du Bundestag allemand dans le cadre du processus d’intégration européenne en ce qui concerne les décisions du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne » (document du Bundestag No 19/20616) (cf. Bundestag, compte rendu sténographique No 19/170, p. 21283).
IV.
1. Par courrier daté du 24 juillet 2020 et adressé au ministre fédéral des Finances et au président du Bundestag, les requérants sous I. ont demandé que leur soit donné accès aux documents communiqués par la BCE, le cas échéant au moyen d’une consultation de ces documents dans les locaux du service du Bundestag chargé de la protection du secret. Le président du Bundestag a répondu à ce courrier par une lettre du 31 juillet 2020 et faisant référence à la décision du Bundestag du 2 juillet 2020. Au nom du ministère fédéral des Finances, le secrétaire d’État Dr. K. a transmis aux requérants, par courrier du 31 juillet 2020, le courrier du ministre fédéral des Finances du 10 juillet 2020 adressé au second sénat de la Cour constitutionnelle fédérale et dans lequel le ministre informait la Cour de l’examen auquel il avait procédé.
2. Dans leur mémoire du 5 août 2020, les requérants sous I. ont demandé à la Cour de rendre sur le fondement du § 35 BVerfGG une ordonnance d’exécution disposant ce qui suit :
Le gouvernement fédéral et le Bundestag sont tenus, dans le cadre de la mise en œuvre du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale du 5 mai 2020, d’exposer aux requérants qu’il a été remédié à la violation de leurs droits constatée dans le jugement précité et, à cet égard, de permettre aux requérants de consulter les documents confidentiels transmis par la Banque centrale européenne et établissant, selon le gouvernement et le Bundestag, entre autres que la Banque centrale européenne a démontré de manière suffisamment claire qu’elle avait procédé à un examen du programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (Public Sector Asset Purchase Programme – PSPP), à l’aune du principe de proportionnalité et satisfait aux exigences formulées dans le jugement précité.
Dans leur mémoire du 25 novembre 2020, les requérants sous I. ont maintenu la désignation explicite de leurs requêtes comme « demande d’ordonnance selon le § 35 BVerfGG ».
[…]
V.
1. En réponse à un courrier du requérant sous II. du 27 juillet 2020, la Bundesbank – unité centrale Affaires juridiques – a indiqué par courrier du 3 août 2020 que trois documents (nommément désignés) avaient été classés confidentiels par la BCE et que par conséquent, la Bundesbank n’était autorisée ni à communiquer ces documents, ni à transmettre à des tiers des passages qui en seraient cités. Ce courrier indique que le conseil des gouverneurs de la BCE a thématisé la question du caractère proportionné du PSPP lors de la réunion des 3 et 4 juin 2020 et conclu que les effets économiques de ce programme étaient proportionnés par rapport aux objectifs poursuivis. Le courrier poursuit que par la suite, le conseil des gouverneurs de la BCE a, par l’intermédiaire de la Bundesbank, mis à la disposition du gouvernement fédéral et du Bundestag toute une série de documents portant sur les mises en balance opérées par la BCE. Le directoire de la Bundesbank considère, tout comme le Bundestag et le gouvernement fédéral, que les exigences découlant du jugement du 5 mai 2020 sont ainsi satisfaites. Dès lors, la Bundesbank continuera à participer aux achats effectués dans le cadre du PSPP.
2. Dans son mémoire du 7 août 2020, le requérant sous II. a demandé à la Cour de rendre une ordonnance d’exécution disposant ce qui suit :
1. Le Bundestag et le gouvernement continuent d’être liés par le devoir soit d’agir pour que la Banque centrale européenne (BCE), par le conseil des gouverneurs, procède, conformément aux exigences formulées dans le jugement du 5 mai 2020 – 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15, 2 BvR 980/16 –, à un examen suffisamment motivé et clair du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité et qu’il communique publiquement la décision prise suite à cet examen, soit de veiller d’une autre manière à ce que soit rétabli un état des faits conforme aux traités.
2. Le gouvernement fédéral doit agir sur la Bundesbank pour que cette dernière se conforme à son devoir découlant du jugement du 5 mai 2020 précité de s’abstenir de continuer à participer à l’exécution du PSPP.
3. Il est interdit à la Bundesbank de participer, en procédant à des achats augmentant les stocks d’obligations détenues ou encore en participant à une nouvelle augmentation du volume des achats mensuels, à la mise en œuvre et à l’exécution de la décision (UE) 2015/774, modifiée par les décisions (UE) 2015/2101, (UE) 2015/2464, (UE) 2016/702 et (UE) 2017/100, ainsi que de la décision du 12 septembre 2019. En outre, la Bundesbank est tenue de veiller à ce que soit procédé à une réduction des stocks d’obligations harmonisée au sein du Système européen de banques centrales (SEBC) et située sur le long terme.
Le requérant s’oppose explicitement à ce que ses requêtes sur le fondement du § 35 BVerfGG soient interprétées comme introduisant un nouveau recours constitutionnel.
[…]
VI.
Dans un mémoire du 30 septembre 2020, le gouvernement fédéral a présenté des observations quant à ces requêtes. Il estime qu’elles sont irrecevables […] et en tout état de cause infondées, étant donné que, selon lui, les devoirs découlant du jugement du 5 mai 2020 ont été entièrement remplis […].
[…]
VII.
Dans un mémoire du 30 septembre 2020, le Bundestag a avancé que les requêtes formées sur le fondement du § 35 BVerfGG étaient irrecevables […] et en tout état de cause manifestement infondées […].
[…]
B.
Les requêtes sont irrecevables. Une ordonnance d’exécution en vertu du § 35 BVerfGG est strictement accessoire par rapport à la décision sur le fond d’une affaire et ne saurait ni modifier ni étendre cette dernière (I.). Les requêtes dans la présente affaire ne satisfont pas à ces conditions (II.).
I.
1. Une ordonnance d’exécution en vertu du § 35 BVerfGG a pour objet la mise en application de la décision rendue par la Cour constitutionnelle fédérale sur le fond d’une affaire et d’instaurer l’état exigé par cette décision (« titre exécutoire »). Une telle ordonnance doit assurer le respect de la décision sur le fond de l’affaire, et elle constitue pour la Cour un moyen pour une mise en application de ses décisions complète et adaptée aux circonstances d’un cas d’espèce. Étant donné que le § 35 BVerfGG vise à assurer que la Cour constitutionnelle fédérale dispose à cet égard de toutes les compétences nécessaires, il doit être interprété d’une manière large ([…]).
La Cour constitutionnelle fédérale prend la décision de rendre une ordonnance d’exécution en exerçant son pouvoir discrétionnaire en la matière ([…]). Une audition préalable des personnes concernées n’est pas prévue. Dès lors, il est suffisant que ces personnes aient disposé lors de la procédure relative au fond de l’affaire d’un droit de présenter des observations ([…]).
Sur le fond, le § 35 BVerfGG habilite la Cour constitutionnelle fédérale à ordonner les mesures qui sont nécessaires pour assurer la mise en application et l’efficacité des décisions rendues sur le fond d’une saisine et mettant un terme à l’instance. La Cour peut ainsi déterminer qui doit être chargé de l’exécution de sa décision et, dans des cas particuliers, elle peut également régler les modalités de cette exécution ([…]). À cet égard, elle peut non seulement formuler des injonctions abstraites et générales pour l’exécution de ses décisions, mais également attribuer concrètement la charge de procéder à l’exécution d’une décision dans un cas individuel (cf. Recueil BVerfGE 2, 139 <142>). Les dispositions prises dans le cadre du § 35 BVerfGG doivent en principe se borner à imposer les mesures strictement nécessaires pour la mise en application de la décision ([…]).
2. Une ordonnance provisoire sert strictement la décision sur le fond d’une affaire et à la mise en application de celle-ci ([…]). Une telle ordonnance est accessoire par rapport à la décision sur le fond et n’est admise que dans les limites du dispositif et des motifs essentiels sur lesquels le jugement est fondé (cf. Recueil BVerfGE 68, 132 <140>) ; ces derniers sont déterminés par l’objet du litige ayant donné lieu à la procédure qui a abouti à la décision sur le fond de l’affaire (cf. Recueil BVerfGE 100, 263 <265> ; […]).
a) Le contenu d’une ordonnance d’exécution dépend donc d’une part du contenu de la décision sur le fond devant être exécutée et d’autre part des circonstances concrètes dans lesquelles cette exécution devra avoir lieu. Parmi ces circonstances figurent notamment les agissements des parties liées par la décision rendue sur le fond (cf. Recueil BVerfGE 6, 300 <303> ; 68, 132 <140>). Une décision relative à une ordonnance d’exécution peut donc – lorsque les circonstances de l’espèce l’exigent – être rendue également dans une décision distincte prise après que la décision sur le fond a été rendue.
Toutefois, une telle décision (ultérieure) ne saurait pas amender, modifier, compléter ou encore étendre la décision sur le fond qu’elle sert à exécuter (cf. Recueil BVerfGE 6, 300 <304> ; 68, 132 <140> ; 100, 263 <265> ; 142, 116 <120 point 7> ; […]) ; elle demeure destinée et limitée exclusivement à la mise en application de la décision rendue sur le fond de l’affaire (cf. Recueil BVerfGE 6, 300 <304> ; […]) – tout comme l’est une ordonnance d’exécution prise en même temps que la décision sur le fond.
L’objet de la décision sur le fond de l’affaire est l’appréciation des faits et de la situation juridique au moment du prononcé du jugement. Par conséquent, des mesures prises après que la décision sur le fond a été rendue ne peuvent pas faire l’objet d’une ordonnance d’exécution en vertu du § 35 BVerfGG (cf. Recueil BVerfGE 68, 132 <141> ; […]). Sinon, une telle ordonnance aurait pour effet de modifier et d’étendre la décision sur le fond, car elle exigerait que soit procédé à une analyse et à une appréciation, à l’aune du droit constitutionnel, de la nouvelle situation juridique (cf. Recueil BVerfGE 68, 132 <141> ; 142, 116 <121, point 8> ; […]). Compte tenu du fait qu’est ouverte dans une telle situation la possibilité d’introduire un nouveau recours devant la Cour constitutionnelle fédérale, il n’est pas indispensable que le requérant auteur du recours ayant déjà donné lieu à la décision sur le fond de l’affaire dispose d’un moyen de recours supplémentaire – et le cas échéant plus aisé – sous forme d’une demande d’ordonnance d’exécution en vertu du § 35 BVerfGG (cf. Recueil BVerfGE 68, 132 <141> ; 142, 116 <121, point 9>).
b) À cet égard, la Cour constitutionnelle fédérale a relevé, en ce qui concerne des recours dirigés contre une loi, qu’une demande sur le fondement du § 35 BVerfGG était irrecevable lorsque l’exécution de la décision rendue sur le fond exige justement l’adoption de normes législatives. Lorsque le législateur adopte une loi (modifiant une autre loi), qui est à son tour susceptible de faire l’objet d’un examen distinct dans le cadre d’un contrôle concret des normes ou d’un recours constitutionnel, cela fait obstacle à la possibilité d’une action par l’intermédiaire du § 35 BVerfGG. Il ne pourrait en aller différemment que si le législateur, tenu par l’obligation de légiférer constatée par la décision sur le fond, soit est resté inactif, soit a agi d’une manière restant tellement en deçà des exigences découlant de la décision sur le fond que cet agissement équivaut sur le plan matériel à une inaction (cf. Recueil BVerfGE 142, 116 <122, point 11> ; […]).
c) Cette observation ne s’applique toutefois pas uniquement en ce qui concerne des lois adoptées en réaction au prononcé de la décision sur le fond d’une affaire, mais également en ce qui concerne un changement ultérieur de la situation de fait ou de la situation juridique provoqué par d’autres actes de la puissance publique ou d’autres mesures de la part des organes constitutionnels tenus par le jugement. Les limites pour une ordonnance d’exécution licite résultent du principe de la séparation des pouvoirs (art. 20, al. 2, 2nde phrase LF) et du lien nécessaire entre le droit processuel constitutionnel et l’objet du litige à trancher et constituent dans cette mesure des exigences susceptibles d’être généralisées et s’appliquant dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité de toutes les formes d’action de tous les organes constitutionnels (à ce sujet, de manière générale, cf. Recueil BVerfGE 2, 139 <142 sq.> ; […]).
d) La nécessité de délimiter les prérogatives dont dispose la Cour constitutionnelle fédérale dans le cadre de la décision sur le fond d’une affaire d’une part, et dans le cadre d’une ordonnance d’exécution en vertu du § 35 BVerfGG d’autre part, afin d’empêcher que soient prises des décisions supplémentaires sur le fond de l’affaire une fois que s’est achevée la procédure au principal ([…]), exige que le contenu et la portée de la décision sur le fond devant être exécutée soient déterminés avec précision (cf. Recueil BVerfGE 6, 300 <305>).
II.
Les requêtes demandant une ordonnance d’exécution vont au-delà des faits et des questions de droit traités dans le jugement du 5 mai 2020 et dépassent dès lors les limites imposées à une ordonnance d’exécution selon le § 35 BVerfGG. Elles sont irrecevables.
1. Les requêtes ont pour but de faire constater (incidemment) que les mesures prises après le 5 mai 2020 par le gouvernement fédéral et le Bundestag pour mettre en œuvre le jugement de la Cour constitutionnelle fédérale ne sont pas conformes à la Constitution. Une telle constatation exigerait toutefois que soit préalablement opéré un contrôle de constitutionnalité des mesures arrêtées suite au jugement susmentionné et de la situation juridique qu’elles ont entraînée et ne se bornerait donc pas à la seule mise en application du jugement du 5 mai 2020. Les mesures contestées par les requérants n’ont été adoptées que postérieurement au prononcé de ce jugement et ne pouvaient par conséquent pas être prises en considération par ce dernier. Un contrôle de constitutionnalité de ces mesures conduirait à modifier et à étendre l’objet du litige initial.
Les requérants eux-mêmes affirment que les mesures adoptées par le gouvernement fédéral et le Bundestag en vue de mettre en œuvre le jugement du 5 mai 2020 nécessitent un examen complet et approfondi de leur constitutionnalité. De telles appréciations complexes ne sauraient être opérées dans le cadre d’une ordonnance d’exécution (cf. Recueil BVerfGE 142, 116 <121 sq., point 10>).
2. Il en va de même dans la mesure où la requête des requérants sous I. vise (dans un premier temps) à obliger le gouvernement fédéral et le Bundestag à démontrer qu’il a été remédié à la violation des droits constatée par le sénat. Un tel devoir n’est pas contenu dans le jugement du 5 mai 2020. Ce dernier ne formule pas un tel devoir de démonstration à la charge du gouvernement fédéral et du Bundestag – indépendamment de la question de savoir s’il appartient même, d’un point de vue du droit matériel, aux parties intéressées de convenir des modalités de la mise en œuvre d’une décision de justice une fois que celle-ci a été rendue. La démonstration demandée par les requérants sous I. exigerait elle aussi que soit opéré un contrôle de constitutionnalité de mesures prises par le gouvernement fédéral et le Bundestag après le jugement et une appréciation incidente à l’aune du droit constitutionnel des mesures prises quant au PSPP par la BCE postérieurement au prononcé du jugement. Cela dépasserait l’objet de la présente affaire.
La même constatation vaut en ce qui concerne la requête formulée dans ce contexte et demandant la consultation des documents non publiés et mis par la BCE à la disposition du gouvernement fédéral et du Bundestag, requête constituant un complément de la requête (irrecevable) demandant à ce que le gouvernement fédéral et le Bundestag démontrent qu’il a été remédié à la violation des droits. Le jugement du 5 mai 2020 ne contient pas de spécifications selon lesquelles le devoir, formulé au point 232 du jugement, du gouvernement fédéral et du Bundestag d’agir pour que la BCE procède à un examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité, et à cet égard de manifester clairement leur position juridique à l’encontre de la BCE, ou de veiller d’une autre manière à ce que soit rétabli un état des faits conforme aux traités impliquerait un devoir de divulguer aux requérants sous I. l’intégralité des documents transmis. Une décision sur le fond de la question d’un éventuel devoir du gouvernement fédéral et du Bundestag – et donc indirectement également de la BCE – de permettre aux requérants sous I. la consultation des documents confidentiels transmis par la BCE et qui, selon le gouvernement fédéral et le Bundestag, établissent que le conseil des gouverneurs de la BCE a procédé à un examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité répondant aux exigences du jugement du 5 mai 2020 exigerait que soit examinée la question – non encore tranchée à ce jour – d’éventuels droits allant dans ce sens et découlant du droit constitutionnel et du droit de l’Union, ce qui nécessiterait le cas échéant que soit posée une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne conformément à l’article 267 TFUE.
3. La demande du requérant sous II. formulée au point 1. de sa requête et visant à faire constater que le gouvernement fédéral et le Bundestag continuent à être liés par le devoir soit d’agir pour que la BCE procède, conformément aux exigences formulées dans le jugement, à un examen suffisamment motivé et clair du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité et communique publiquement la décision prise suite à cet examen, soit de veiller d’une autre manière à ce que soit rétabli un état des faits conforme aux traités, exigerait elle aussi que soit opérée une appréciation incidente de mesures qui ont été prises par le gouvernement fédéral et Bundestag, ainsi que par le conseil des gouverneurs de la BCE postérieurement au jugement du 5 mai 2020 et qui ont modifié la situation juridique. Il en va de même en ce qui concerne la demande au point 2. de la requête visant à ce que le gouvernement fédéral agisse sur la Bundesbank.
En revanche, il est d’emblée exclu que l’obligation formulée au point 235 du jugement du 5 mai 2020 pour le cas d’un écoulement infructueux du délai transitoire de trois mois, et que le requérant sous II. se borne à répéter au point 3. de sa requête, soit susceptible de violer le droit à l’autodétermination démocratique que le requérant tient en vertu de l’article 38, alinéa 1, 1re phrase LF. Le jugement ne fait à cet égard que concrétiser la manière dont la Bundesbank est liée par le droit objectif lorsque la Cour constitutionnelle fédérale a constaté qu’un acte a été pris ultra vires , tout comme le sont tous les organes, autorités administratives et tribunaux de la République fédérale d’Allemagne (cf. Recueil BVerfGE 142, 123 <207, point 162>). En tant qu’autorité d’administration autonome, la Bundesbank n’a à cet égard pas de responsabilité propre à assumer dans le cadre du processus d’intégration européenne (cf. Recueil BVerfGE 154, 17 <83 sq., point 95>). La demande au point 3. de la requête visant à imposer une certaine obligation à la Bundesbank ne peut dès lors pas s’appuyer sur des intérêts constitutionnellement protégés du requérant sous II. La constatation d’un devoir découlant du droit objectif et liant la Bundesbank à cet égard présupposerait à son tour que la Cour constitutionnelle fédérale constate d’abord que les mesures prises par le gouvernement fédéral, le Bundestag et la BCE pour rétablir un état des faits conforme à la Constitution ne sont pas suffisantes, autrement dit que perdure l’acte ultra vires relevé dans le jugement du 5 mai 2020. Comme il a déjà été souligné, une telle démarche irait toutefois au-delà de l’objet du litige tranché par le jugement du 5 mai 2020.
C.
En outre, même en interprétant les requêtes comme demandant à ce que soit constaté que le gouvernement fédéral et le Bundestag ont agi d’une manière restant nettement en deçà des exigences découlant du jugement du 5 mai 2020 sur le fond de l’affaire que cet agissement équivaut sur le plan matériel à une inaction (cf. supra, au point 79), elles seraient en tout état de cause infondées. Le gouvernement fédéral et le Bundestag, en interaction avec la BCE, ont pris des mesures après le 5 mai 2020 par lesquelles ils ont assumé leur responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne (I.). Il n’a pas été démontré par les requérants et il n’est pas non plus évident que ces mesures aient été manifestement insuffisantes ou équivalent à une inaction (II.).
I.
1. Lorsqu’ils assument leur responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne, les organes constitutionnels décident en principe de manière autonome des moyens pour remplir leur devoir de protection des droits ; ils disposent alors à cet égard d’une large marge d’évaluation, d’appréciation et d’action ; il leur appartient de prendre en considération les risques existants et d’assumer la responsabilité politique de leurs choix (cf. Recueil BVerfGE 125, 39 <78> ; 142, 123 <210, point 169> ; 151, 202 <299, point 148> ; 154, 17 <89 sq., point 109> ; Cour constitutionnelle fédérale, jugement du second sénat du 2 mars 2021 – 2 BvE 4/16 –, point 71 sq.).
Afin d’assurer le respect du programme d’intégration, ils peuvent légitimer rétroactivement la prise d’actes ultra vires par les institutions, les organes et les organismes de l’Union européenne, en initiant une révision des traités – qui respecte les limites imposées par l’article 79, alinéa 3 LF – et en transférant formellement, selon la procédure prévue à l’article 23, alinéa 1, 2e et 3e phrases LF, les compétences que l’Union s’était arrogées de manière ultra vires (cf. Recueil BVerfGE 146, 216 <250, point 48> ; 151, 202 <299, point 148> ; Cour constitutionnelle fédérale, jugement du second sénat du 2 mars 2021 – 2 BvE 4/16 –, point 78). Toutefois, dans la mesure où cette voie serait fermée, soit parce qu’elle n’est pas possible, soit parce qu’elle n’est pas souhaitée, les organes constitutionnels sont en principe tenus d’agir dans les limites de leurs compétences et avec les moyens juridiques et politiques dont ils disposent pour que les mesures non couvertes par le programme d’intégration soient abrogées et que les effets de ces mesures – tant qu’elles perdurent – en droit interne demeurent limités le plus possible (cf. Recueil BVerfGE 134, 366 <395 sq., point 49> ; 142, 123 <209 sq., points 167, 211, point 170> ; 146, 216 <251, point 49> ; 151, 202 <297, point 141> ; 154, 17 <150, point 231> ; Cour constitutionnelle fédérale, jugement du second sénat du 2 mars 2021 – 2 BvE 4/16 –, point 78).
À cette fin, le gouvernement fédéral et le Bundestag disposent de toute une série de moyens à leur disposition (cf. Recueil BVerfGE 142, 123 <211 sq., point 171> ; Cour constitutionnelle fédérale, jugement du second sénat du 2 mars 2021 – 2 BvE 4/16 –, point 79). Parmi ceux-ci figurent la possibilité d’introduire un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (cf. art. 263, para. 1 TFUE), la contestation de la mesure critiquée devant l’organisme auteur de cette mesure ou devant l’autorité contrôlant ce dernier, le vote au sein des instances de décision de l’Union européenne – y compris l’exercice de droits de véto –, l’introduction d’une initiative pour réviser les traités (cf. art. 48, para. 2 et art. 50 TUE) ou encore des instructions aux organismes subordonnés de ne pas appliquer la mesure en question.
Le Bundestag peut à cet égard recourir à son droit de poser des questions, de tenir un débat et d’adopter une résolution, un droit que la Constitution lui garantit afin qu’il puisse contrôler l’action du gouvernement fédéral dans les affaires de l’Union européenne (cf. art. 23, al. 2 LF). Il peut à tout moment adopter une décision pour faire connaître sa position au gouvernement fédéral (cf. art. 40, al. 1, 2nde phrase LF, article 75, al. 1, d) et al. 2, c) du règlement du Bundestag) ou encore – comme cela a été le cas lors de la loi relative au règlement MSU (cf. Recueil BVerfGE 151, 202 <371 sq., point 311 sq.>) – adopter une loi. En outre il lui est loisible – en fonction de l’importance et de la portée d’une affaire – d’exercer son droit de recours pour violation du principe de subsidiarité (cf. art. 23, al. 1a LF combiné à l’art. 12, b) TUE et à l’art. 8 du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité), son droit d’enquête (cf. art. 44 LF), ainsi que sa prérogative d’adopter une motion de censure (cf. art. 67 LF) (cf. Cour constitutionnelle fédérale, jugement du second sénat du 2 mars 2021 – 2 BvE 4/16 –, point 79). Lorsque la Cour constitutionnelle fédérale a constaté qu’un acte a été adopté ultra vires ou qu’il porte atteinte à l’identité constitutionnelle de l’Allemagne, il est en tout état de cause nécessaire que le Bundestag en discute sous forme d’un débat en séance plénière, car il appartient en principe au Bundestag tout entier d’exercer la fonction de représentation qui lui revient. Des décisions ayant une portée considérable, à l’instar de celle de savoir de quelle manière la répartition des compétences dans l’Union européenne doit être rétablie, doivent en principe être précédées d’une procédure permettant au grand public de se forger et de soutenir une opinion et engageant la représentation populaire à déterminer dans le cadre d’un débat public la nécessité et la portée des mesures à prendre (cf. Recueil BVerfGE 142, 123 <212 sq., point 172 sq.> ; Cour constitutionnelle fédérale, jugement du second sénat du 2 mars 2021 – 2 BvE 4/16 –, point 80).
2. La responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne découlant de l’article 38, alinéa 1, 1re phrase LF n’est – de manière similaire à ce qui s’applique aux (autres) devoirs de protection tirés des droits fondamentaux – violée que si aucune mesure de protection n’a été prise, si les mesures qui ont été prises sont manifestement inadaptées ou entièrement insuffisantes, ou encore si les mesures prises restent nettement en deçà de ce qu’exige l’objectif de protection (cf. Recueil BVerfGE 77, 170 <214 sq.> ; 85, 191 <212> ; 88, 203 <254 sq.> ; 92, 26 <46> ; 125, 39 <78 sq.> ; 142, 123 <210 sq., point 169> ; 151, 202 <299, point 148> ; Cour constitutionnelle fédérale, jugement du second sénat du 2 mars 2021 – 2 BvE 4/16 –, point 73).
II.
En tenant compte de ce qui précède, il n’apparaît pas que les mesures prises suite au jugement du sénat après le 5 mai 2020 par le gouvernement fédéral et le Bundestag en interaction avec le conseil des gouverneurs de la BCE équivalent à une inaction.
1. Le jugement du 5 mai 2020 impose au gouvernement fédéral et au Bundestag de s’opposer au PSPP dans la mesure où la BCE n’a pas démontré la conformité de ce programme au principe de proportionnalité et que le PSPP constitue alors un acte pris ultra vires . Le gouvernement fédéral et le Bundestag sont dès lors tenus d’agir pour que la BCE procède à un examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité, et ils doivent alors manifester clairement leur position juridique (déterminée par le droit constitutionnel) à l’encontre de la BCE, ou de veiller d’une autre manière à ce que soit rétabli un état des faits conforme aux traités. Ce devoir s’étend également à la phase des réinvestissements dans le cadre du PSPP entamée le 1er janvier 2019, ainsi qu’à la reprise du PSPP à partir du 1er novembre 2019. En outre, le jugement impose au gouvernement fédéral et au Bundestag de surveiller les décisions de l’Eurosystème portant sur les achats d’obligations souveraines dans le cadre du PSPP et d’agir avec tout moyen à leur disposition pour que le SEBC respecte les limites du mandat qui lui a été attribué (cf. Recueil BVerfGE 154, 17 <150 sq., points 229, 232 sq.>).
2. Dans le but de s’acquitter des obligations découlant du jugement du 5 mai 2020, le gouvernement fédéral et le Bundestag ont – en interaction avec le conseil des gouverneurs de la BCE et la Bundesbank – adopté toute une panoplie de mesures.
a) Après le prononcé du jugement, le Bundestag a mené plusieurs activités : Dès le 6 mai et le 13 mai 2020, le service PE 2 a publié des notes d’information portant sur le jugement relatif au PSPP (cf. Bundestag, document de la direction PE No 192/2020, p. 9). Également le 6 mai 2020 a eu lieu devant la commission du budget une information de la part du gouvernement fédéral relative aux conséquences du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale relatif au programme d’achats d’actifs de la BCE, et le 7 mai 2020 s’est tenue une séance plénière réservée aux questions d’actualité (heure d’actualité) et consacrée aux « effets du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale relatif aux achats d’actifs par la BCE » (cf. Bundestag, document de la direction PE No 192/2020, p. 3). Le 13 mai 2020, le gouvernement fédéral a informé la commission du budget des modalités de la mise en œuvre du jugement du 5 mai 2020 ; en outre, le groupe de travail Budget du groupe parlementaire FDP a avancé la proposition de mettre en place, en réponse au jugement précité, une commission d’enquête relative aux programmes d’achats d’actifs lancés par la BCE. Le 15 mai 2020, la direction Études du Bundestag a préparé une analyse relative à la conformité du PSPP au droit de l’Union européenne (cf. direction Études du Bundestag, service PE 6 – 3000 – 32/20). Le 25 mai 2020, une audition publique relative au jugement du 5 mai 2020 a eu lieu devant la commission des affaires de l’Union européenne. Le 28 mai 2020, l’assemblée plénière (cf. Bundestag, compte rendu sténographique No 19/163, p. 20263-20277) ainsi que la commission du budget (cf. document du Bundestag No 19/22587) ont débattu de la motion déposée par le groupe parlementaire AfD intitulée « Rétablir un état conforme au droit – mettre un terme immédiat aux achats d’actifs dans le cadre du PEPP » (cf. document du Bundestag No 19/19516). Le 29 mai 2020, le groupe FDP a déposé devant le Bundestag une « petite question » portant le titre « Retombées du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale relatif au programme d’achats d’actifs de la Banque centrale européenne » (cf. documents du Bundestag Nos 19/19691 et 19/19992).
Le 8 juin 2020, le service PE 2 a publié des notes d’information relatives aux décisions de politique monétaire adoptées le 4 juin 2020 par le conseil des gouverneurs de la BCE (cf. Bundestag, document de la direction PE No 181/2020), et le 17 juin 2020 a eu lieu devant la commission des finances une discussion technique non publique portant sur le jugement ; le même jour, s’est tenu devant la commission des affaires de l’Union européenne un entretien avec le président de la Bundesbank au sujet des conséquences du jugement du 5 mai 2020 (cf. au sujet des réunions des commissions, Bundestag, document de la direction PE No 19/2020, p. 6). En outre ont eu lieu, également en juin 2020 et dans le cadre des entretiens (réguliers) avec le président de la Bundesbank, des échanges sur la politique monétaire au sein de la commission des affaires de l’Union européenne, de la commission du budget et de la commission des finances (cf. Bundestag, document de la direction PE No 192/2020, p. 1).
b) Il n’existe pas de documentation détaillée des activités du gouvernement fédéral – y compris par l’intermédiaire de la Bundesbank – envers le conseil des gouverneurs de la BCE. Toutefois, lors de sa réunion des 3 et 4 juin 2020, le conseil des gouverneurs de la BCE a adopté un total de six décisions relatives à la politique monétaire et dont les décisions nos 4 et 5 portent sur le caractère proportionné du PSPP. Dans son compte rendu des réflexions sur la politique monétaire lors de cette réunion, le conseil des gouverneurs de la BCE a conclu entre autres que les éléments d’appréciation globaux – présenté plus en détail – permettent d’affirmer que le PSPP avait eu un effet positif sur l’évolution macroéconomique. En outre, le conseil des gouverneurs a thématisé les différents « défis » auxquels les banques centrales sont confrontées du fait de l’environnement de taux d’intérêt bas. Les coûts et les avantages d’achats d’actifs ont également été discutés. De même, ont été débattus lors de la réunion tant les interactions potentielles entre politique monétaire et politique budgétaire que les dispositifs de protection permettant de préserver les incitations en faveur de politiques budgétaires saines, ainsi que les risques de dominance budgétaire. Sur cette base, le conseil des gouverneurs de la BCE a conclu que les achats d’actifs avaient apporté, à l’échelle macroéconomique globale, une contribution positive très significative à la croissance et à l’inflation dans la zone euro. Dans l’ensemble, un large consensus s’est dégagé sur le fait que, même si des pondérations différentes pouvaient être associées aux bénéfices et aux effets secondaires des achats d’actifs, les effets positifs des achats d’actifs sur l’économie dans un objectif de stabilité des prix l’avaient jusqu’à présent nettement emporté sur les effets secondaires négatifs – en même temps, le conseil des gouverneurs a souligné qu’il était important de procéder en permanence à une (nouvelle) évaluation (à tous ces sujets, cf. le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil de la BCE des 3 et 4 juin 2020, p. 17-20). Ainsi, le conseil des gouverneurs de la BCE a traité la question du caractère proportionné du PSPP et y a en définitive apporté une réponse affirmative dans ses décisions nos 4 et 5.
c) Par une décision du 24 juin 2020, le conseil des gouverneurs de la BCE a, suite à la demande de la Bundesbank d’exposer son raisonnement sur le caractère proportionné du PSPP (cf. document du Bundestag No 19/20621, p. 2), autorisé la Bundesbank à divulguer au gouvernement fédéral et au Bundestag, si et dans la mesure où le degré de confidentialité déterminé par la BCE était respecté, les documents qui lui avaient été transmis et desquels ressortaient les réflexions supplémentaires sur le PSPP depuis le lancement de ce dernier, afin que le gouvernement fédéral et Bundestag soient en mesure d’examiner et d’apprécier sous leur propre responsabilité la manière dont le conseil des gouverneurs de la BCE avait procédé à l’examen de ce caractère proportionné du PSPP (cf. document du Bundestag No 19/20621, p. 2 sq.).
d) Sur ce fondement, le gouvernement fédéral et le Bundestag ont conclu que la BCE avait, par son examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité, remédié aux défauts constatés par le jugement du 5 mai 2020 en matière de la répartition des compétences et qu’elle avait ainsi satisfait aux exigences découlant de la décision de la Cour constitutionnelle fédérale.
aa) Comme il ressort du courrier du 26 juin 2020 adressé au Bundestag, le ministère fédéral des Finances a examiné les documents que la Bundesbank lui avait transmis par courrier daté également du 26 juin 2020. Selon le ministère, la conclusion de cet examen était que la démonstration claire exigée par le jugement et établissant que le PSPP avait été examiné à l’aune du principe de proportionnalité avait été établie. Le ministère considère que, dans les documents fournis, les effets de fait du PSPP attendus, au moment de la prise des décisions respectives, en ce qui concerne les finances des États membres, les ménages, les épargnants, les emprunteurs, le secteur bancaire et les entreprises, avaient été pris en compte et mis en relation avec l’objectif du PSPP d’obtenir des taux d’inflation inférieurs à, mais proches de, 2 %.
bb) Le 26 juin 2020, les membres du Bundestag ont été informés que les documents de la BCE pouvaient être consultés à partir du 29 juin 2020 dans les locaux du service du Bundestag chargé de la protection du secret. Peu après, cette date a été modifiée et la consultation des documents rendue possible dès le week-end du 27/28 juin 2020. Le 29 juin 2020, la confidentialité de plusieurs documents a été levée. Le 30 juin 2020, les groupes parlementaires CDU/CSU, SPD, FDP et BÜNDNIS 90/DIE GRÜNEN ont déposé une motion intitulée « Jugement de la Cour constitutionnelle fédérale relatif au programme d’achats d’actifs PSPP de la Banque centrale européenne » que, lors de sa séance du 2 juillet 2020, le Bundestag a adoptée avec les voix des groupes CDU/CSU, SPD, FDP et BÜNDNIS 90/DIE GRÜNEN et contre les voix du groupe AfD, le groupe DIE LINKE s’abstenant (cf. Bundestag, compte rendu sténographique No 19/170, p. 21283).
Dans cette décision, le Bundestag constate que l’examen par le conseil des gouverneurs de la BCE du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité satisfait aux exigences découlant du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale et qu’avec les informations publiées après ce jugement et tirées de décisions du conseil des gouverneurs de la BCE, de comptes rendus présentés au Parlement européen, de rapports d’activité mensuels et annuels, ainsi que de déclarations publiques de membres du directoire ou d’autres membres du conseil des gouverneurs de la BCE, le conseil des gouverneurs a documenté qu’il tenait systématiquement compte des considérations de proportionnalité lorsqu’il prend des décisions de politique monétaire ; selon le Bundestag, le compte rendu de la réunion de politique monétaire du conseil de la BCE des 3 et 4 juin 2020 établit de manière suffisamment claire que cet examen à l’aune du principe de proportionnalité a bien été effectué. Il poursuit que la BCE, lors de ses décisions relatives au PSPP, a examiné le caractère adapté, nécessaire et proportionné stricto sensu de ses mesures de politique monétaire. À cet égard, la BCE a identifié et pondéré les effets économiques engendrés par le PSPP, et elle les a mis en relation avec les avantages attendus en ce qui concerne la réalisation de l’objectif de politique monétaire qu’elle avait défini, puis mis en balance selon des critères de proportionnalité.
En outre, les députés Schäffler et Sauter (tous les deux du groupe FDP), le député Müller (FDP) ainsi que le député Thies (CDU/CSU) ont fait des déclarations personnelles (cf. Bundestag, compte rendu sténographique No 19/170, p. 21356-21358 – annexes nos 7 et 8), dans lesquelles ils ont exposé les raisons pour lesquelles ils ne se sont pas ralliés à la motion soutenue par leur groupe parlementaire respectif.
Les motions concurrentes déposées respectivement par les groupes parlementaires DIE LINKE , FDP et AfD ont en définitive été rejetées (cf. Bundestag, compte rendu sténographique No 19/170, p. 21283).
3. En adoptant les mesures étendues susmentionnées, le gouvernement fédéral et le Bundestag ont réagi au jugement du 5 mai 2020 et assumé leur responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne, et ils ont ainsi respecté l’interdiction imposée à l’État d’agir d’une manière nettement insuffisante (Untermaßverbot ). En tout état de cause, leurs actions ne sont pas restées tellement en deçà des exigences découlant du jugement de la Cour constitutionnelle fédérale que cet agissement équivaudrait sur le plan matériel à une inaction. La large marge (politique) d’évaluation, d’appréciation et d’action leur revenant lorsqu’ils agissent pour satisfaire aux exigences résultant du jugement (cf. Recueil BVerfGE 125, 39 <78> ; 142, 123 <210, point 169> ; 151, 202 <299, point 148> ; 154, 17 <89 sq. point 109> ; Cour constitutionnelle fédérale, jugement du second sénat du 2 mars 2021 – 2 BvE 4/16 –, point 71 sq.) s’étend également à la manière de procéder, par exemple en ce qui concerne les modalités techniques ou encore en matière de communication.
a) En fin de compte, les différentes activités du gouvernement fédéral et du Bundestag postérieurement au prononcé du jugement du 5 mai 2020 – bien qu’elles n’aient pas toutes été documentées en détail et dont certaines ont été réalisées par l’intermédiaire de ou avec le concours de la Bundesbank – ont abouti à ce que le conseil des gouverneurs de la BCE ait, dans ses décisions nos 4 et 5 des 3 et 4 juin 2020 et dans les discussions qui les ont précédées, thématisé l’examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité en vertu de l’article 5, paragraphe 1, 2nde phrase, et paragraphe 4 TUE combiné aux articles 119 sqq. et 127 sqq. TFUE – un examen dont l’absence avait été critiquée par le sénat dans le jugement précité. Il n’appartient pas en l’espèce à la Cour constitutionnelle fédérale de décider si cet examen du caractère proportionné du PSPP satisfait à tous égards aux exigences de fond découlant de l’article 5, paragraphe 1, 2nde phrase, et paragraphe 4 TUE.
b) En tenant compte de ce qui précède, la procédure exposée dans le courrier du ministère fédéral des Finances du 26 juin 2020 et suivie pour apprécier les réflexions du conseil des gouverneurs de la BCE relatives au caractère proportionné du PSPP n’équivaut pas à une inaction manifeste. Le délai très bref entre la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 24 juin 2020 et le courrier du 26 juin 2020 ne permet pas en lui-même de tirer des conclusions quant à la qualité intrinsèque de l’appréciation opérée et quant à l’exercice efficace par le gouvernement fédéral de sa responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne. À ce sujet, le gouvernement fédéral a indiqué dans son mémoire du 30 septembre 2020 que la rédaction du courrier du 26 juin 2020 avait été précédée d’un processus d’appréciation et d’évaluation plus long et ayant duré plusieurs semaines. Cette affirmation semble plausible.
Il résulte des nombreuses activités susmentionnées (cf. supra , aux points 98 sq. et 104 sqq.), lesquelles ont finalement conduit à la décision du 2 juillet 2020 précitée, qu’en fin de compte, le Bundestag s’est d’une part lui aussi saisi sérieusement de la question du contenu des décisions du conseil des gouverneurs de la BCE et du caractère proportionné du PSPP et qu’il s’est d’autre part acquitté de ses devoirs découlant du jugement du 5 mai 2020 d’une manière qui est loin de pouvoir être qualifiée d’inaction. En outre, les déclarations personnelles de quatre députés opposés à la décision adoptée par le Bundestag, ainsi que le dépôt de trois motions concurrentes de la part des groupes parlementaires (de l’opposition) DIE LINKE , FDP et AfD attestent qu’un débat sur le fond des exigences formulées dans le jugement du 5 mai 2020, au cours duquel des points de vue divergents ont été exprimés, a bel et bien eu lieu.
König | Huber | Hermanns | |||||||||
Müller | Maidowski | Langenfeld | |||||||||
Härtel |