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Décisions de la BCE relatives au programme d’achats d’actifs du secteur public prises en excès de compétence

Communiqué de presse no. 32/2020 du 5 mai 2020

Jugement du 5 mai 2020 - 2 BvR 859/15, 2 BvR 1651/15, 2 BvR 2006/15, 2 BvR 980/16

Par le jugement prononcé aujourd’hui, le second sénat de la Cour constitutionnelle fédérale a fait droit à plusieurs recours constitutionnels dirigés contre le programme d’achats d’actifs du secteur public sur les marchés secondaires (Public Sector Asset Purchase Programme – PSPP) de la Banque centrale européenne (BCE). Le gouvernement fédéral et le Bundestag allemand ont violé les droits que les requérants tiennent en vertu de l’article 38, alinéa 1, 1re phrase, de la Loi fondamentale (LF) combiné à l’article 20, alinéas 1 et 2, LF, et à l’article 79, alinéa 3, LF, dans la mesure où ils se sont abstenus d’agir contre l’omission de la BCE qui n’a, dans ses décisions relatives à l’adoption et à la mise en œuvre du PSPP, ni vérifié ni démontré la conformité au principe de proportionnalité des mesures adoptées. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 11 décembre 2018 ne fait pas obstacle à cette constatation de la part de la Cour constitutionnelle fédérale, étant donné que, en ce qui concerne le contrôle du respect du principe de proportionnalité par les décisions prises pour la mise en œuvre du PSPP, il n’est tout simplement plus compréhensible et doit être considéré comme étant lui-même rendu ultra vires. En revanche, le sénat n’a pu constater de violation de l’interdiction du financement monétaire des Etats. En outre, les mesures d’aide financière actuelles de l’Union européenne et de la BCE prises dans le cadre de la crise liée à la pandémie du Covid-19 n’ont pas fait l’objet du présent jugement.

 

Faits de l’espèce :

Le PSPP fait partie du Expanded Asset Purchase Programme (EAPP), un programme-cadre de l’Eurosystème destiné à l’achat d’actifs. Il ressort des motifs du EAPP que son objectif est d’élargir la masse monétaire, afin de promouvoir la consommation et les investissements et d’augmenter le taux d’inflation au sein de la zone euro à un taux inférieur, mais proche de 2 %. Le PSPP a été mis en place par une décision de la BCE du 4 mars 2015, modifiée par la suite par cinq décisions supplémentaires. Le PSPP consiste – selon des conditions générales précisées par les décisions de la BCE – à acheter des obligations souveraines et des titres de créances négociables comparables émis par l’administration centrale d’un Etat membre, des « agences reconnues », des organisations internationales et par des banques multilatérales de développement situées dans la zone euro. Le PSPP constitue l’élément le plus important du EAPP. A la date du 8 novembre 2019, l’Eurosystème avait acquis dans le cadre du EAPP des titres d’un montant total de 2 557 800 millions d’euros, dont 2 088 100 millions pour le PSPP.

Les requérants soutiennent dans leurs recours constitutionnels que le PSPP viole l’interdiction du financement monétaire des Etats (article 123 TFUE) et le principe d’attribution (article 5, paragraphe 1, TUE, combiné aux articles 119 et 127 sqq. TFUE). Par une décision du 18 juillet 2017, le sénat a saisi la CJUE de plusieurs questions préjudicielles ; celles-ci portaient notamment sur l’interdiction du financement monétaire des Etats, le mandat de la BCE en matière de politique monétaire et un éventuel empiètement sur la compétence et la souveraineté budgétaire des Etats membres. Dans son arrêt du 11 décembre 2018, la CJUE a jugé que le PSPP n’outrepassait pas le mandat de la BCE et ne portait pas non plus atteinte au principe de l’interdiction d’un financement monétaire des Etats. C’est dans ce contexte que s’est tenue à Karlsruhe les 30 et 31 juillet 2019 l’audience publique (cf. le communiqué de presse no 43/2019 du 25 juin 2019).

Essentiel du raisonnement du sénat :

I. La décision du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne du 4 mars 2015 (UE) 2015/774, ainsi que les décisions (UE) 2015/2101, (UE) 2015/2464, (UE) 2016/702 et (UE) 2017/100 prises par la suite, constituent – en dépit des conclusions contraires retenues dans l’arrêt de la CJUE – des actes pris ultra vires eu égard aux dispositions des articles 119 et 127 sqq. TFUE et de l’article 17 des Statuts de la BCE.

1. Selon la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle fédérale (cf. Recueil des décisions de la Cour BVerfGE 126, 286 <302 sqq.> ; 134, 366 <382 sqq., point 22 sqq.> ; 142, 123 <198 sqq., point 143 sqq.> ; jugement du second sénat de la Cour constitutionnelle fédérale du 30 juillet 2019 - aff. 2 BvR 1685/14, 2 BvR 2631/14 -, point 140 sqq.), il lui appartient d’une part d’examiner les griefs motivés portant sur des agissements des institutions et organismes publics de l’Union européenne dont il est allégué qu’ils constituent des actes ultra vires et d’autre part de concilier l’exercice de cet examen avec le mandat attribué à la CJUE par les traités d’interpréter et d’appliquer les traités tout en assurant l’unité et la cohérence du droit de l’Union (cf. l’article 19, paragraphe 1, alinéa 1, 2nde phrase, TUE et l’article 267 TFUE). La primauté d’application du droit de l’Union se trouverait contournée en pratique et l’application uniforme de ce droit serait menacée si tout Etat membre pouvait comme bon lui semble se prévaloir d’une compétence de faire vérifier par ses juridictions nationales la validité des actes juridiques de l’Union. D’autre part, si les Etats membres renonçaient complètement à tout contrôle ultra vires, le pouvoir de disposer des bases conventionnelles de l’Union se trouverait transféré aux seules institutions de l’Union et ce, y compris dans des cas où l’interprétation du droit par ces dernières aboutirait en pratique à une révision des traités ou à une extension des compétences de l’Union. Le fait que dans des cas limites – a priori fort rares, en raison des précautions prévues par le droit de l’Union tant sur le plan des institutions que des procédures – d’excès des compétences de la part des institutions de l’Union, l’approche du droit constitutionnel et celle du droit de l’Union ne se recoupent pas entièrement est dû au fait que dans l’Union européenne, les Etats membres demeurent, même après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, les maîtres des traités et que l’Union n’a pas franchi le seuil qui ferait d’elle un Etat fédéral (cf. Recueil BVerfGE 123, 267 <370 sq.>). Les situations de tension inévitables et inhérentes à cette structure doivent, conformément à l’esprit de l’intégration européenne, être désamorcées et résolues de manière coopérative et avec considération mutuelle. C’est cette approche qui caractérise la coopération au sein de l’Union européenne qui constitue une association des Etats, des constitutions, des administrations et des juridictions (cf. Recueil BVerfGE 140, 317 <338, point 44>).

L’interprétation et l’application du droit de l’Union, y compris la détermination de la méthode à y appliquer, appartiennent en premier lieu à la CJUE qui, conformément à la disposition de l’article 19, paragraphe 1, 2nde phrase, TUE est chargée d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités. A cet égard, les méthodes de concrétisation du droit par le juge développées par la CJUE reposent sur les traditions constitutionnelles communes aux Etats membres (cf. l’article 6, paragraphe 3, TUE et l’article 340, paragraphe 2, TFUE) telles qu’elles se manifestent notamment dans la jurisprudence des cours constitutionnelles et des cours suprêmes des Etats membres et dans celle de la Cour européenne des droits de l’homme. L’utilisation de ces méthodes et principes par la CJUE ne correspond pas (forcément) entièrement à celle faite par les juridictions nationales, mais elle ne saurait non plus ignorer tout simplement cette dernière. Les particularités du droit de l’Union supposent toutefois des divergences non négligeables en ce qui concerne l’importance et la pondération des différentes techniques d’interprétation. Une absence manifeste de prise en compte des méthodes d’interprétation traditionnelles utilisées dans l’espace juridique européen ou, de manière plus générale, des principes communs aux ordres juridiques des Etats membres n’est pas couverte par le mandat procuré à la CJUE par l’article 19, paragraphe 1, 2nde phrase, TUE. Dans ce contexte, il n’appartient pas au mandat de la Cour constitutionnelle fédérale de substituer son interprétation à celle opérée par la CJUE lors de questions d’interprétation du droit de l’Union qui, dans le cadre habituel des débats doctrinaux suivant un raisonnement méthodologiquement valable, peuvent aboutir à des résultats différents (cf. Recueil BVerfGE 126, 286 <307>). La Cour constitutionnelle fédérale doit respecter la décision de la CJUE y compris dans les cas où cette dernière parvient à des conclusions auxquelles des arguments très sérieux pourraient être opposés, pour autant que ces conclusions reposent sur des principes méthodologiques reconnus et ne paraissent pas objectivement arbitraires.

2. Le point de vue de la CJUE selon lequel la décision de la BCE relative au PSPP et ses modifications apportées par la suite entrent encore dans la compétence de la BCE méconnaît manifestement l’importance et la portée du principe de proportionnalité (article 5, paragraphe 1, 2nde phrase, et paragraphe 4, TUE) à respecter également dans le domaine de la répartition des compétences et n’est, en raison de l’absence totale de prise en compte des effets réels du PSPP sur la politique économique, méthodologiquement tout simplement plus soutenable.

L’approche de la CJUE de laisser de côté ces effets réels lors de l’examen de la question de la proportionnalité et de renoncer à procéder à une appréciation d’ensemble manque aux exigences qu’un examen compréhensible du respect du mandat du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la BCE en matière de politique monétaire doit remplir. Une telle approche ne permet plus au principe de proportionnalité (article 5, paragraphe 1, 2nde phrase, et paragraphe 4, TUE) de remplir sa fonction de mécanisme correcteur protégeant les compétences des Etats membres, ce qui aboutit en définitive à vider de son sens le principe d’attribution (article 5, paragraphe 1, 1re phrase, et paragraphe 2, TUE).

L’absence totale de prise en compte de toute conséquence économique entre également en contradiction avec l’approche méthodologique adoptée par la CJUE dans pratiquement tous les autres domaines entrant dans le champ de l’ordre juridique de l’Union, ce qui ne répond pas aux exigences qui découlent de la fonction charnière du principe d’attribution et des répercussions que ce principe doit déployer lors du contrôle de son respect.

3. Dès lors, l’interprétation du principe de proportionnalité par la CJUE et la définition du mandat du SEBC qu’elle en déduit outrepassent le mandat conféré à la CJUE par l’article 19, paragraphe 1, 2nde phrase, TUE. L’autolimitation du contrôle juridictionnel opéré à la question de savoir si la BCE a commis une erreur « manifeste » d’appréciation, si une mesure ne va pas « manifestement » au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis, ainsi que celle de savoir si les inconvénients d’une telle mesure sont « manifestement » disproportionnés par rapport à ces objectifs ne permet pas d’endiguer la compétence de la BCE limitée à la politique monétaire. Au contraire, cette autolimitation conduit plutôt à concéder à la BCE la possibilité d’étendre ses compétences de manière autonome et rampante, ou du moins à considérer que de telles extensions de compétence ne sont pas – ou seulement de manière très limitée – susceptibles d’être contrôlées au moyen d’un recours juridictionnel. La préservation des fondements sur lesquels repose la répartition des compétences au sein de l’Union européenne est toutefois d’une importance primordiale pour la garantie du principe de démocratie et pour l’organisation juridique de l’Union européenne.

II. Etant donné que le sénat n’est dès lors pas lié par la décision de la CJUE, il lui appartient d’apprécier de manière autonome si, en adoptant les décisions de création et de mise en œuvre du PSPP, l’Eurosystème a agi encore dans le cadre des compétences que lui attribue le droit primaire de l’Union. Etant donné l’absence de considérations suffisantes portant sur le respect du principe de proportionnalité par le PSPP, la réponse à cette question est négative.

Un programme d’achats d’obligations souveraines comme le PSPP, entraînant des effets économiques considérables, suppose en particulier que l’objectif de politique monétaire poursuivi ainsi que l’impact économique soient identifiés, pondérés et mis en balance l’un par rapport à l’autre. La poursuite inconditionnelle de l’objectif en matière de politique monétaire visé par le PSPP, c’est-à-dire de parvenir à un taux d’inflation au sein de la zone euro à un taux inférieur, mais proche de 2 %, tout en ignorant les conséquences économiques du programme lancé, méconnaît dès lors manifestement le principe de proportionnalité.

Il ne ressort pas des décisions qui font l’objet des recours constitutionnels que la mise en balance nécessaire de l’objectif de politique monétaire d’une part, et des effets économiques engendrés par les moyens employés d’autre part, ait eu lieu. Dès lors, ces décisions violent l’article 5, paragraphe 1, 2nde phrase, et paragraphe 4, TUE et ne relèvent pas de la compétence attribuée à la BCE en matière de politique monétaire.

Les décisions se bornent à affirmer que l’objectif en matière d’inflation n’a pas été atteint et que des moyens plus doux ne seraient pas disponibles. Elles ne contiennent pas de prévision ni quant à l’impact économique du programme ni en ce qui concerne la question de savoir si cet impact est raisonnable par rapport aux avantages monétaires visés. Il ne ressort pas des éléments de l’affaire que le conseil des gouverneurs de la BCE ait saisi et pondéré les effets inhérents au PSPP et immédiatement liés à ce dernier – effets nécessairement entraînés eu égard au volume de plus de 2 000 milliards d’euros du PSPP et une durée de désormais trois ans. Les conséquences négatives du PSPP s’intensifient plus le PSPP dure et augmente en volume, ce qui signifie qu’avec la durée, les exigences qu’une telle mise en balance doit remplir deviennent plus strictes.

Le PSPP améliore les conditions de financement des Etats membres, car ces derniers peuvent emprunter sur le marché des capitaux à des conditions nettement plus avantageuses ; il a par conséquent des effets considérables sur les conditions sous lesquelles s’opère la politique budgétaire des Etats membres. En particulier, il peut avoir les mêmes effets que les assistances financières octroyées sur le fondement des articles 12 sqq. du Traité MES. L’étendue et la durée du PSPP peuvent conduire à ce que même des effets conformes aux dispositions du droit primaire deviennent excessifs. Le PSPP a également des effets sur le secteur bancaire, dans la mesure où il rachète à grande échelle et inscrit au bilan du SEBC des obligations souveraines à risque, ce qui aboutit à une amélioration de la situation économique des banques et renforce leur solvabilité. En outre, le PSPP engendre des conséquences économiques et sociales pour la quasi-totalité des citoyens, qui en sont, du moins indirectement, affectés en leur qualité d’actionnaires, de locataires, de propriétaires d’immeubles, d’épargnants ou encore de preneurs d’assurance. Ainsi, des risques de perte considérables pèsent-ils sur les épargnes. Des entreprises qui ne sont en principe économiquement plus viables sont artificiellement maintenues en vie et demeurent sur le marché grâce au taux d’intérêt général abaissé par le PSPP. En dernier lieu, plus le programme perdure et plus son volume augmente, plus l’Eurosystème se rend dépendant de la politique menée par les Etats membres, car il lui est de moins en moins possible, sans mettre en danger la stabilité de l’union monétaire, de mettre un terme au PSPP et de s’en retirer.

Les effets susmentionnés, ainsi que d’autres effets économiques considérables, auraient dû être pesés par la BCE, mis en relation avec les avantages attendus en ce qui concerne la réalisation de l’objectif de politique monétaire qu’elle avait défini, puis mis en balance selon des critères de proportionnalité. Il semble qu’une telle mise en balance n’ait pas eu lieu, ni lors du lancement du programme, ni à un moment ultérieur. Sans une documentation établissant que et de quelle manière une telle mise en balance a été opérée, un contrôle juridictionnel effectif du respect des dispositions juridiques encadrant le mandat de la BCE n’est pas possible.

III. La question de savoir si le gouvernement fédéral et le Bundestag allemand ont violé leur responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne également du fait qu’ils se sont abstenus d’exiger l’arrêt du PSPP ne peut, en l’état, recevoir une réponse définitive, car la question de la conformité du PSPP sur le fond aux dispositions de l’article 127, paragraphe 1, TFUE ne pourra être tranchée définitivement qu’une fois qu’un examen de la question du respect du principe de proportionnalité par le PSPP aura été établi de manière claire par le conseil des gouverneurs de la BCE.

IV. Dans la mesure où l’arrêt de la CJUE considère qu’il n’y a pas violation des dispositions de l’article 123, paragraphe 1, TFUE, l’application des « garanties » qu’elle a développées dans son arrêt Gauweiler en ce qui concerne un programme d’achats suscite de sérieuses objections, étant donné que la CJUE renonce à procéder à un examen approfondi des mesures de précaution prévues par le PSPP pour éviter que ce dernier ne soit détourné et n’examine pas les indices pointant dans le sens opposé. Toutefois, en ce qui concerne cet aspect, le sénat se considère lié par les conclusions tirées par la CJUE, eu égard à la possibilité réelle que du moins les garanties exigées par la CJUE ont été respectées par la BCE et qu’une violation manifeste des dispositions de l’article 123, paragraphe 1, TFUE ne peut être constatée à ce stade.

Certes, la CJUE a, en pratique, ôté la majeure partie de leurs effets à certaines des « garanties » telles l’interdiction d’annoncer par avance des achats, la « période de fenêtre négative », l’interdiction, en principe, de détenir les obligations jusqu’à leur échéance ou encore la nécessité d’élaborer une stratégie de sortie. Toutefois, la question de savoir si un programme d’achats d’obligations comme le PSPP constitue un contournement manifeste des dispositions de l’article 123, paragraphe 1, TFUE ne doit pas être tranchée sur la base de l’examen du respect d’un critère isolé, mais sur le fondement d’une appréciation d’ensemble. En définitive, un contournement manifeste de l’interdiction du financement monétaire des Etats ne peut être constaté en l’espèce, en particulier parce que

- le volume des achats est limité d’avance,

- seules des informations agrégées sont publiées en ce qui concerne les achats effectués par l’Eurosystème,

- un plafond de 33 % par code ISIN est respecté concernant les titres de créance d’un émetteur,

- les achats sont effectués en fonction de la quote-part respective des banques centrales nationales dans la clé de répartition du capital de la BCE,

- sont achetées uniquement des obligations émises par des autorités qui bénéficient d’une notation minimale leur permettant d’avoir accès au marché des obligations, et que

- les achats doivent être limités, voire qu’ils doivent cesser et que les titres de créance acquis doivent être remis sur le marché, lorsque la poursuite de l’intervention n’est plus nécessaire pour la réalisation de l’objectif visé en matière d’inflation.

V. Dans le cas de l’espèce, une atteinte à l’identité constitutionnelle de l’Allemagne en général et à la responsabilité d’ensemble du Bundestag allemand en matière de politique budgétaire en particulier ne peut être constatée. Une modification (ultérieure) de la répartition des risques entre la BCE et les banques centrales nationales aboutirait certes, eu égard au volume du PSPP de plus de 2 000 milliards d’euros, à porter atteinte au domaine protégé de la responsabilité d’ensemble du Bundestag allemand en matière de politique budgétaire tel qu’il a été tracé par la jurisprudence du sénat et serait contraire à l’article 79, alinéa 3, LF. Toutefois, une telle répartition des risques – qui, en tout état de cause, serait déjà interdite par le droit primaire – n’est pas prévue par le PSPP en ce qui concerne les obligations souveraines des Etats membres achetées par leurs banques centrales nationales.

VI. Le gouvernement fédéral et le Bundestag allemand sont tenus en vertu de leur responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne de s’opposer au fonctionnement du PSPP tel qu’il est appliqué jusqu’à présent.

1. En cas d’excès de compétence manifestes et structurellement significatifs de la part des institutions, organes ou organismes de l’Union européenne, les organes constitutionnels allemands sont obligés d’agir, dans le cadre de leur compétence et avec tous les moyens à leur disposition, pour que le programme d’intégration soit respecté et que les mesures non couvertes par le programme d’intégration soient abrogées. Ils sont également tenus – tant que les mesures en question continuent à produire des effets – de prendre toute disposition adaptée pour limiter le plus possible les effets de ces mesures en droit interne.

2. Concrètement, cela signifie que le gouvernement fédéral et le Bundestag allemand sont tenus en vertu de leur responsabilité dans le cadre du processus d’intégration européenne d’agir pour que la BCE procède à un examen du PSPP à l’aune du principe de proportionnalité. Il en va de même en ce qui concerne la phase de réinvestissement du PSPP à compter du 1er janvier 2019 et le reprise de ce dernier à partir du 1er novembre 2019. Dans ce contexte, subsiste l’obligation de surveiller les décisions de l’Eurosystème portant sur l’achat d’obligations souveraines dans le cadre du PSPP et d’agir avec tout moyen à leur disposition pour que le SEBC respecte les limites du mandat qui lui a été attribué.

3. Il est interdit aux organes constitutionnels, aux autorités administratives et aux tribunaux allemands d’apporter leur concours à la mise en œuvre, à l’exécution ou à l’opérationnalisation d’actes ultra vires. Dès lors, il est interdit à la Bundesbank, passé un délai d’au plus trois mois nécessaire pour la coordination au sein de l’Eurosystème, de concourir à la mise en œuvre et à l’exécution des décisions qui font l’objet des recours constitutionnels, si le conseil des gouverneurs de la BCE ne procède pas, au moyen d’une nouvelle décision, à une démonstration claire établissant que les effets économiques et budgétaires entraînés par le PSPP ne sont pas disproportionnés par rapport aux objectifs de politique monétaire poursuivis par ce dernier. Sous la même condition, la Bundesbank est tenue de veiller à ce que soit procédé à une réduction des stocks d’obligations harmonisée et située sur le long terme.

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